La Rochelle, un projet commun

Quartier La Genette

Un quartier sous tension,
entre héritage et nouveaux équilibres à inventer

L’artère asphyxiée : travaux, réseaux vétustes et quartier à bout de souffle

L’avenue Jean Guiton est l’une des principales artères de La Rochelle. Elle irrigue le quartier de La Genette, le relie au centre-ville, à la gare, et structure la vie quotidienne de milliers d’habitants. Or, depuis début 2025, cet axe fait l’objet d’un vaste chantier lié au déploiement du réseau de chauffage urbain. Ce projet, salué pour son ambition écologique, s’accompagne pourtant de réalités bien plus rugueuses pour les riverains.

Les travaux, initialement programmés sur 4 à 5 semaines pour le carrefour Guiton/Coligny, s’étaleront finalement sur 8 semaines, en raison de la découverte de réseaux d’eau et d’assainissement vétustes. Une mise à jour nécessaire, certes, mais dont les conséquences sont lourdes : neutralisation du carrefour, coupures d’eau potable, accès piétonnier dégradé, nuisances sonores, etc.

Ce chantier met en lumière un fait préoccupant : l’état général de nos réseaux enterrés n’est pas toujours connu ni maîtrisé. Et surtout, l’information descendante peine à convaincre les habitants, qui découvrent régulièrement des rallongements de délais, des modifications d’accès, ou une gestion peu lisible des déviations.

Une économie de proximité mise à mal

Plusieurs commerçants de La Genette subissent une chute brutale de leur fréquentation. La boulangerie « Ganache et Levain », pourtant emblématique du quartier, perd jusqu’à 100 clients par jour durant les périodes de pic du chantier. La pharmacie, la fleuriste, les commerces de bouche situés autour de l’avenue Coligny sont directement menacés : la fête des mères, notamment, sera cette année fortement impactée par l’isolement du commerce floral du carrefour.

Cette situation interroge : comment préserver la vitalité d’un quartier résidentiel sans sacrifier son tissu commerçant ? Ces petites entreprises ne peuvent supporter un effondrement brutal de chiffre d’affaires, même temporaire. Faute de soutien ou d’anticipation réelle, il devient légitime de se demander comment la ville protège – ou non – les piliers économiques de ses quartiers vivants.

Le piéton oublié et la question de l’accessibilité

Plusieurs témoignages de riverains expriment un ras-le-bol sur les conditions de déplacement : manque de passerelles pour traverser l’avenue, détour imposé par des barrières de chantier, voire absence de cheminement sécurisé pour les personnes âgées ou en situation de handicap.

Ces détails logistiques, souvent perçus comme « temporaires », traduisent pourtant un biais récurrent dans l’organisation des grands chantiers : le confort automobile ou le passage des engins prime sur la fluidité et la dignité des mobilités douces ou contraintes. Une réflexion plus large pourrait s’imposer sur l’intégration systématique de solutions d’accessibilité en période de travaux lourds, au-delà des simples obligations réglementaires.

Le vélo dans l’impasse : entre sécurisation nécessaire et compromis impossibles

L’accident dramatique survenu en juin 2024, où une conductrice a percuté sept enfants à vélo, a brutalement relancé le débat sur l’aménagement cyclable de l’avenue Coligny. Mais cette prise de conscience n’est pas simple à transformer en action cohérente. L’avenue est étroite, bordée d’arbres anciens et de logements à stationnement sur voirie, dans un quartier où 70 % des voitures sont garées dans la rue.

Les options envisagées posent toutes problème :

  • Suppression de 80 places de stationnement : inacceptable pour les riverains.
  • Mise en sens unique : très compliquée pour la circulation générale.
  • Abattage d’arbres : écologiquement et symboliquement malvenu.
  • Piste sur trottoir comme avenue Grasset : jugée dangereuse pour les piétons.

Ce dilemme illustre un enjeu plus large : le modèle rochelais de la mobilité douce peut-il s’imposer partout, au prix de quels sacrifices ? Le quartier de La Genette, par sa topographie, son usage quotidien et sa structure résidentielle, résiste à une application mécanique des solutions génériques.

Le comité de quartier propose à juste titre des itinéraires cyclables de report, dans des rues parallèles moins chargées (Jeanne d’Albret, Pépinière), à moindre impact. Il s’agit là d’une logique de pragmatisme local, qu’il serait bon d’entendre au lieu de plaquer des modèles venus d’ailleurs.

Stationnement, densité et saturation : une pression urbaine croissante

L’enquête du comité de quartier révèle que 2/3 des habitants rencontrent des difficultés de stationnement, dans un secteur où la densification se poursuit, avec la transformation de maisons en immeubles ou la réhabilitation de parcelles.

Ce constat pose des questions de fond :

  1. Faut-il continuer à densifier un quartier déjà saturé ?
  2. Peut-on imaginer un urbanisme différencié selon la capacité réelle d’absorption des espaces publics ?
  3. Quels équipements (parkings mutualisés, logistique urbaine, desserte en transport) pour accompagner cette densification ?


L’impression générale des habitants est claire : le quartier absorbe plus qu’il ne digère. Le manque de coordination entre voirie, aménagements cyclables, chantiers et stationnement crée un sentiment d’usure chez les riverains.